jeudi 28 octobre 2010

Intimité


La veille, s'était jouée une pièce de théâtre dont le décor n'avait pas été démonté... Le régisseur avait d'autres soucis, pour lui c'était coup de feu permanent. Le temps nous manqua pour faire les réglages habituels d'image et de son. Avant de récupérer l'écran et le vidéoprojecteur, il fallut attendre que des historiens finissent leur intervention, dans le forum de la médiathèque, juste à côté, sur la thématique Se souvenir, histoire et intimité... rencontre par ailleurs passionnante. Les historiens sont un genre de scientifiques heureux de pouvoir aborder selon l'angle de l'objectivité et du rationalisme des sujets qui, dans le fond, touchent au plus près l'intimité de leur histoire personnelle.

La photo montre bien le dispositif de projection qui fait se télescoper cinéma et théâtre sans plus de manières. Parmi les gens qui formaient l'assistance, et qui avaient empli la petite salle de 65 places, certains avaient vu la pièce de théâtre la veille, d'autres venaient d'assister à la rencontre avec les historiens, quelques uns sans doute avaient participé aux deux événements...
Donc, sous ses airs bricolés, la première projection du film Ici finit l'exil présentait plus de complexité qu'il n'y paraissait à première vue. L'affaire se corsa vraiment quand nous avons constaté que le vidéoprojecteur était bon pour être jeté à la casse. De l'image de notre film, il ne resterait rien : du flou, pas de contraste, pas de couleurs, du décalage avec le son... Dès lors, nous avons pensé que si notre film devait survivre à ce crash test, c'est qu'il était bien né.

Ce fut la belle surprise de la projection. Comment cela advint, je serais bien en peine de le dire. Toujours est-il que les gens avaient vu le film, ses défauts comme ses qualités, de sorte que je pus être pleinement présent dans la discussion qui s'ensuivit. Redire ce qui s'est échangé sur le vif serait inutile. A ceux qui n'ont pas vu le film, je donne rendez-vous à Belfort, à Paris, partout où le film ira. Ganges ne fut pas seulement une date mais un séjour inscrit dans une histoire au long cours, écrite par Bruno Canard, le créateur d'Ecritures et résistances, un programmateur, donc, et dans cette fonction-là qu'il dépasse sans cesse, ou qui le dépasse, une manière d'inventeur des rapports d'être avec ce qu'on appelle la culture, la société, le réel, les humains. Ce n'était donc pas seulement mon film que j'étais venu montrer, mais aussi son "livre" que je venais lire... un livre grandeur nature, comme on dirait d'une carte qu'elle est à échelle 1, déployée tout autour du voyageur, parfaitement superposée au paysage, ce qui change tout à l'idée de paysage.

Qu'Aaron Sievers et Céline Bellanger fussent à mes côtés relevait de la même nécessité. Car La première fois que j'étais venu à Ganges, c'était pour accompagner Aaron à la projection de son film Flacky et camarades, qui a reçu au printemps 2010 le Prix du Patrimoine Immatériel au Festival International Jean Rouch et dont on entrevoit enfin le terme d'un voyage de production commencé à la fin des années 70. Quant à Céline, elle a travaillé au montage-son du film d'Aaron et je lui dois le son de mon film (prises de son, montage, mixage).

Cette année, le thème des Ecritures était : écritures intimes. En cinéma, l'intimité est un territoire collectif.